Santé

Le sport et le sexe sont compatibles

Avoir ou non une activité sexuelle avant une compétition sportive est un débat toujours d’actualité. Alors qu’il est scientifiquement prouvé que le sexe n’a pas d’impact sur la performance physique, dans les mentalités, ce n’est pas aussi clair.

Début mars, Gigi Becali, président du club de football du Steaua Bucarest (Roumanie), faisait le rapprochement entre les mauvais résultats de son équipe et le sexe. Si le Steaua Bucarest enchaîne les contre-performances, c’est, selon lui, à cause de l’activité sexuelle de ses joueurs avant les rencontres. Dans un article paru sur le site de RMC Sport, il explique : “Mes joueurs font trop l’amour avec leur copine, trop souvent, c’est pour cela qu’ils ne jouent pas bien au football ces derniers temps”.

Le président roumain n’était pas le seul à croire à cet effet néfaste. Le philosophe Platon, déjà, conseillait aux athlètes grecs de s’abstenir de tout rapport sexuel avant une compétition. Selon lui, le sexe et le sport ne faisaient pas bon ménage. Le débat remonte donc au moins à la Grèce antique.

Les clichés ont la dent dure

Des clichés toujours d’actualité et très souvent alimentés par des hommes. Ainsi en 1988, Silvio Berlusconi demandait publiquement aux joueurs du mythique Milan AC, club qu’il possédait et présidait, de s’abstenir de toute activité sexuelle durant un mois, pour améliorer leurs performances sur le terrain. La boutade est devenue célèbre : le Néerlandais Ruud Gullit, joueur milanais, lui avait répondu : “Désolé président, je ne peux pas courir quand j’ai les c*** pleines”.

Plus sérieusement, l’activité sexuelle avant une compétition ne serait aucunement néfaste pour la performance physique des athlètes. Plusieurs travaux scientifiques, comme ceux du physiologiste américain Tommy Boone, la chercheuse Laura Stefani ou encore des articles des chercheurs canadiens Samantha McGlove et Ian Shrier, ont montré que lors d’une activité sexuelle, un individu brûle en moyenne 25 à 40 calories. C’est l’équivalent d’un footing d’un quart d’heure. Donc pas de quoi avoir un réel impact sur la performance physique. Mais beaucoup l’ignorent encore.

L’abstinence sexuelle, toujours d’actualité

C’est le cas de ce joueur du Lannion football club que l’on appellera Gaël*. Ce jeune footballeur joue avec l’équipe première, dans le championnat de National 3. Gaël s’entraîne à trois reprises par semaine et a un rituel de préparation de match qu’il répète avant chaque rencontre de football.“ Chaque veille de match, avant d’aller dormir, je prends un bain froid”, souligne-t-il. Mais ce n’est pas sa seule routine. “Depuis que je fais du foot, j’ai toujours pratiqué l’abstinence sexuelle avant chaque rencontre. C’est un choix personnel. Avant les matchs, je préfère me concentrer et ne pas user trop d’énergie.”

Qu’en est-il pour les sportives ? 

Chez les sportives féminines, le sujet n’est pas abordé aussi frontalement. Selon Julien Le Héran, préparateur physique des footballeuses professionnelles de l’En Avant Guingamp, qui évoluent dans la première division française, la sexualité de ces dernières reste dans le cadre de la vie privée. Nous n’échangeons pas avec les joueuses sur ce sujet, confie-t-il. Cependant, nous suivons de près le cycle menstruel de chacune et nous en parlons ouvertement avec elles. Cela nous permet d’adapter les entraînements.

La majorité des recherches ont été faites sur des athlètes masculins. Les effets des activités sexuelles sur les athlètes féminines sont donc ignorées. Cependant, le peu de travaux réalisés démontrent que l’activité sexuelle avant une compétition a des effets positifs sur elles. C’est le cas des travaux de Laura Stefani et de ses collègues. Dans un article scientifique intitulé “Sexual Activity Before Sports Competition” (« Activité sexuelle avant des compétitions sportives”), ils rendent compte des résultats obtenus après des expériences. Ils concluent que l’activité sexuelle avant une compétition sportive chez les femmes a des effets positifs, notamment chez des marathoniennes.

Les mentalités évoluent

Grâce aux recherches sur le sujet, le sport de haut niveau est de plus en plus averti et les mentalités évoluent. Le meilleur exemple étant les Jeux olympiques de Rio en 2016. Selon un article du Figaro, 450 000 préservatifs ont été mis à la disposition des sportifs du village olympique. Toujours selon cet article, la quantité des préservatifs distribués avait alors été multipliée par trois par rapport aux Jeux de Londres, qui avaient eu lieu quatre ans plus tôt.

Pourtant, on était encore en 2014 lors de la Coupe du monde de football au Brésil, soit seulement deux ans plus tôt quand le sélectionneur de la Bosnie-Herzégovine avait interdit tout rapport sexuel à ses joueurs durant le tournoi.

À l’En Avant Guingamp

L’évolution est perceptible dans les clubs de football professionnels. C’est le cas de l’En Avant  Guingamp. Selon le préparateur physique Armand Zélisko, les joueurs ne reçoivent aucune consigne sur leur activité sexuelle avant un match.

Nous n’intervenons pas sur la vie sexuelle des joueurs, confie-t-il. On leur impose juste une mise au vert avant les matchs pour optimiser la performance physique. J’ai lu un rapport de la chercheuse Laura Stefani qui montre que  l’impact d’une activité sexuelle sur la performance physique est quasiment nulle. « 

Ce rapport indique toutefois la possibilité d’un impact si le rapport sexuel a lieu deux heures avant une compétition. Pour ce préparateur, la mise au vert permet ainsi de limiter les risques. Il s’agit de la phase de pré-compétition qui permet aux sportifs de préparer une rencontre dans les meilleures conditions sur les plans physique, mental et nutritionnel. “Quand nous nous déplaçons, les joueurs sont convoqués la veille au soir et ils dorment à l’hôtel par chambre de deux. Quand le match est à domicile, ils ont rendez-vous le matin de la rencontre”, termine Armand Zélisko.

Les recherches scientifiques sur le sujet font avancer les mentalités mais il reste encore du chemin à faire.

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