Tudual Huon, ex-directeur de publication de la revue satirique bretonne \u00ab\u00a0Yod Kerc’h\u00a0\u00bb<\/figcaption><\/figure>\nComment vous est venue l\u2019id\u00e9e de cr\u00e9er cette revue ?<\/b><\/p>\n
\u00c7a s’est un peu fait par hasard. J\u2019\u00e9tais \u00e9tudiant \u00e0 Brest. Cette BD a commenc\u00e9 avec les \u00e9tudiants de Rennes. Ils avaient lanc\u00e9 la revue avec quelques dessinateurs. Avec un camarade, Erwan Kervella, qui \u00e9tait aussi dessinateur, nous avons \u00e9t\u00e9 int\u00e9ress\u00e9s apr\u00e8s avoir vu le premier num\u00e9ro. Ils nous ont demand\u00e9 si on voulait bien y dessiner aussi. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, on \u00e9tait tr\u00e8s influenc\u00e9 par ce qui avait \u00e9t\u00e9 imprim\u00e9, par exemple par des dessinateurs am\u00e9ricains. Des contenus provocateurs. C\u2019est ce qui fait qu\u2019on \u00e9tait pr\u00eat \u00e0 dessiner dans cette revue.<\/p>\n
Quel \u00e9tait l\u2019objectif derri\u00e8re le fait de traiter de sexualit\u00e9 en breton ?<\/b><\/p>\n
Il y en avait plusieurs. Parmi tous ces \u00e9tudiants, il y avait toute sorte de gens qui avaient des id\u00e9es politiques pr\u00e9cises. D\u2019autres \u00e9taient plut\u00f4t l\u00e0 pour produire de la po\u00e9sie un peu diff\u00e9rente de ce qu’on retrouvait dans les textes \u00e0 ce moment-l\u00e0. Il y avait aussi des gens comme Erwan et moi qui \u00e9tions plut\u00f4t dans la rigolade, un peu dans la provocation \u00e0 travers nos illustration parce qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque, dans le mouvement breton, parmi ceux qui \u00e9taient militants, il y avait beaucoup de pr\u00eatres par exemple. Les gens \u00e9taient toujours influenc\u00e9s par la religion et, l\u00e0, on a tap\u00e9 dur.<\/p>\n
\u00c9videmment, c\u2019est surtout dans les textes mais aussi dans tout ce qui \u00e9tait sexualit\u00e9 et tous ces sujets tabous \u00e0 l\u2019\u00e9poque. On avait m\u00eame d\u00e9cid\u00e9 de chercher le vocabulaire qui convenait sur la sexualit\u00e9 alors qu\u2019il n\u2019y avait pratiquement rien dans les dictionnaires. C\u2019\u00e9tait une des choses qu\u2019on voulait faire. On est parti parmi les gens enqu\u00eater dans la campagne, un peu partout, sur ce vocabulaire qui \u00e9tait tabou.<\/p>\n
Pourquoi avoir d\u00e9cid\u00e9 de prendre ce ton tr\u00e8s provocateur ?<\/b><\/p>\n
On voulait changer les codes. Et on \u00e9tait tr\u00e8s mal vus \u00e9videmment, mais on \u00e9tait jeunes. J\u2019avais 20 ans \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Mais c\u2019est vrai que \u00e7a a secou\u00e9 pas mal. Mon p\u00e8re \u00e9tait \u00e9diteur de livres s\u00e9rieux. Il avait pas mal d\u2019amis qui \u00e9taient des religieux. Et l\u00e0, je peux vous dire que \u00e7a a chauff\u00e9 dur.<\/p>\n
Il y avait eu une mouvance avec mai 68 avant, donc \u00e7a commen\u00e7ait \u00e0 bouger d\u00e9j\u00e0, mais dans le milieu bretonnant, beaucoup moins vite. Et l\u00e0, Yod Kerc\u2019h<\/em> a eu une influence. On tirait parfois beaucoup, parfois tr\u00e8s peu, c\u2019\u00e9tait tr\u00e8s al\u00e9atoire, quand il y avait de l\u2019argent, quand il n\u2019y en avait pas, \u00e7a d\u00e9pendait de beaucoup de choses, si les gens avaient du temps ou non\u2026 Tout cela \u00e9tait al\u00e9atoire et \u00e7a n\u2019a pas dur\u00e9 tr\u00e8s longtemps, puisqu\u2019il n\u2019y a eu que 32 num\u00e9ros r\u00e9partis sur dix ans. \u00c7a a secou\u00e9 tous ceux qui lisaient en breton.<\/p>\nCertains num\u00e9ros n\u2019ont jamais \u00e9t\u00e9 distribu\u00e9s. Il devait y avoir \u00e0 peu pr\u00e8s 400-500 lecteurs, mais tr\u00e8s souvent, la revue \u00e9tait donn\u00e9e et puis c\u2019est tout, et donc il n\u2019y avait plus beaucoup d\u2019argent dans la caisse. Il n\u2019y en a jamais eu beaucoup de toute fa\u00e7on. Mais ce n\u2019\u00e9tait pas le but de l\u2019op\u00e9ration.<\/p>\n
Quels \u00e9taient la place et le poids de l’\u00e9glise dans le mouvement breton ?<\/b><\/p>\n
Ils avaient beaucoup d’importance. Par exemple, \u00e0 Lannion, il y avait des pr\u00eatres qui \u00e9taient instruits, bretonnants et militants. Par contre, ils \u00e9taient tr\u00e8s \u00e9troits d\u2019esprit, ils \u00e9taient rest\u00e9s de vieux cl\u00e9ricaux comme autrefois. Quand ils ont vu une revue comme Yod Kerc\u2019h<\/em>, \u00e7a leur a fait mal. Nous, on voulait mettre un peu la pagaille, mais on n\u2019\u00e9tait pas contre ces pr\u00eatres-l\u00e0 qui \u00e9taient souvent de bons \u00e9crivains. Par contre, c\u2019\u00e9tait l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit et le changement qu\u2019on voulait. C\u2019est \u00e7a qu\u2019il fallait faire \u00e9voluer.<\/p>\nQuelle est la planche de la revue qui vous a le plus marqu\u00e9 ?<\/b><\/p>\n
J\u2019aimais bien ce qu\u2019Erwan Kervella faisait comme dessins parce que ses id\u00e9es \u00e9taient g\u00e9niales, tr\u00e8s provocatrices. Je me souviens d\u2019un dessin qu\u2019il a fait chez un m\u00e9decin ou un gars se faisait arracher les dents et par la suite, tout \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de lui sortait, son sexe avait fini par ressortir. Tout \u00e7a, c\u2019\u00e9tait horrible. Mais bon, c\u2019\u00e9tait de la provocation \u00e9videmment.<\/p>\nIllustration d’Erwan Kervella, issue du quatri\u00e8me num\u00e9ro de Yod Kerc’h<\/em>, publi\u00e9 en 1974.<\/figcaption><\/figure>\nPourquoi la BD a-t-elle arr\u00eat\u00e9 de para\u00eetre au d\u00e9but des ann\u00e9es 1980 ?<\/b><\/p>\n
C\u2019\u00e9tait auto-produit. Ce n\u2019\u00e9tait pas du beau papier. On a trouv\u00e9 de petites imprimeries. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 fait \u00e0 Pedernec, dans une petite imprimerie tenue par un pr\u00eatre. C\u2019est lui qui imprimait Yod Kerc\u2019h<\/em> \u00e0 la fin.<\/p>\nC\u2019est le probl\u00e8me de ce genre de revue \u00e9dit\u00e9e par des \u00e9tudiants. Certains sont partis et puis il y en a aussi eu certains qui voulaient plus politiser la revue. Mais l\u00e0, les gens n\u2019\u00e9taient plus d\u2019accord. M\u00eame si tout le monde \u00e9tait plut\u00f4t \u00e0 gauche, \u00e0 la fin les gens ont dit \u00ab \u00e7a suffit \u00bb. Et en fait, ce n\u2019est pas plus mal, parce qu\u2019on aurait radot\u00e9 et tourn\u00e9 en rond. Il y avait des d\u00e9saccords sur le fond et peut-\u00eatre aussi une petite fatigue sur la fin, mais on s\u2019est bien amus\u00e9 parce qu\u2019on se retrouvait souvent en groupe, et l\u00e0, c\u2019\u00e9tait une vaste rigolade. On s\u2019amusait bien et si on ne s\u2019amuse plus, on laisse tomber.<\/p>\n
Aujourd\u2019hui encore, de nombreuses personnes ont toujours cette revue comme r\u00e9f\u00e9rence. Consid\u00e9rez-vous que Yod Kerc\u2019h<\/em> a chang\u00e9 certains codes et marqu\u00e9 son temps ?<\/b><\/p>\nJe pense qu\u2019il y a eu quelque chose. Un impact quelconque. Du point de vue de l\u2019\u00e9criture notamment. Les gens ont os\u00e9 \u00e9crire des choses bien diff\u00e9rentes de ce qui se faisait \u00e0 ce moment-l\u00e0. Des gens \u00e9crivaient dans Yod Kerc\u2019h<\/em> avec de faux noms parce qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque, il valait mieux. Ce n\u2019\u00e9tait pas ce qu\u2019on pouvait trouver d\u2019habitude dans les revues.<\/p>\nTous ces num\u00e9ros \u00e9taient en vrac, il n\u2019y avait rien de coh\u00e9rent parce que ce n\u2019\u00e9tait pas officiel. J\u2019\u00e9tais directeur de la revue \u00e0 un moment donn\u00e9, et il a fallu l’officialiser. J\u2019avais \u00e9t\u00e9 convoqu\u00e9 \u00e0 la gendarmerie pour expliquer ce que c\u2019\u00e9tait et signer des proc\u00e8s-verbaux que j\u2019avais refus\u00e9 de signer d\u2019ailleurs. Je ne sais pas pourquoi, la police s\u2019\u00e9tait int\u00e9ress\u00e9e \u00e0 Yod Kerc\u2019h<\/em>. Il devait y avoir quelque chose qui ne leur plaisait pas trop. (rire)<\/p><\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Tudual Huon est l’ex-directeur de la revue de bande dessin\u00e9e bretonne \u00ab\u00a0Yod Kerc’h\u00a0\u00bb, qui signifie \u00ab\u00a0bouillie d’avoine\u00a0\u00bb. Cr\u00e9\u00e9e en 1970, elle a \u00e9t\u00e9 la premi\u00e8re \u0153uvre \u00e0 traiter de sujets tabous, comme la sexualit\u00e9, en langue bretonne. Entretien avec un des premiers \u00e0 avoir os\u00e9 parler sexe en public en Bretagne. Comment vous est venue … <\/p>\n","protected":false},"author":9,"featured_media":930,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[34],"tags":[],"yoast_head":"\n
Yod Kerc'h. Tudual Huon : "On voulait changer les codes" - Revelezh<\/title>\n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n\t \n\t \n \n \n\t \n\t \n\t \n